«Mon chef me traitait de branleur»

Je prends mes propres décisions et ne me laisse pas influencer.

Jonas a été apprenti cuisinier. Au boulot, le ton était parfois rude. Ce qui semblait normal pour le jeune homme est considéré comme étant du mobbing par son entourage.

Jonas* cherche du travail. Il ne lui manque qu’une seule chose pour obtenir son diplôme de cuisinier: l’examen final. Jusqu’ici, il ne l’a pas réussi. Pour lui, c’est dû au stress de l’examen. Mais pour son entourage, son échec est dû au harcèlement dont il a été victime à son travail. «L’apprentissage n’a pas toujours été facile, mais pour moi ce n’était pas du mobbing», raconte le jeune homme. Sa famille s’est fait une mauvaise image du métier, ne prenant en compte que les histoires de légumes jetés à travers la cuisine et d'employés hurlant des obscénités. «Dans la gastronomie, les règles hiérarchiques sont plus dures qu’ailleurs. C’est comme ça. Mais ça peut être difficile à vivre, surtout pour des jeunes apprentis sans expérience», explique-t-il.

«J’étais souvent la bonne de service»

«Au début, j’avoue avoir été choqué par le ton utilisé et l’ambiance générale», raconte Jonas. Même si la gastronomie est un monde à part, on s’y fait vite. Pour Jonas, que les apprentis ne soient quasiment pas, voire pas du tout, respectés, et que les débutants, par manque d’expérience, ignorent les bons usages, n’est pas problématique. Des supérieurs rudes, dans ce milieu, c’est normal, estime-t-il.

«En tant que seul apprenti du resto, j’étais souvent la bonne de service», dit Jonas. Quand on est débutant, on doit tout supporter. Comme, par exemple, les heures de travail de fou: «Il faut accepter de travailler 16h par jour sans se plaindre». Pour ce qui est de vouloir aller à des soirées le week-end, on oublie.

Avoir un but précis

L’équipe n’avait pas le temps de s’occuper d’un jeune sans expérience. Au lieu d’apprendre, Jonas passait ses journées à éplucher des légumes, nettoyer et se laisser insulter. Celui qui mettait le chef en colère se faisait injurier: «Il m’appelait branleur au moins une fois par semaine», dit Jonas. Un vrai job de rêve...

«J’ai failli tout arrêter plus d’une fois, laisser tomber, tout simplement», raconte le futur cuisinier. Mais il avait un but en tête: obtenir son diplôme. Il faut avoir les reins solides pour tenir le coup dans ce métier. «Un employé de bureau, habitué à une autre ambiance, trouverait certainement des éléments de mobbing dans mes histoires». Mais il campe sur ses positions: «Je n’ai pas été victime de mobbing».

Du stress et des heures de travail inhabituelles

Beaucoup d’adolescents travaillant comme cuistots sont dans la même situation que Jonas: presque 20% des apprentis mettent fin à leur apprentissage ou changent d’entreprise. «En gastronomie, on est debout souvent, soumis sans arrêt à l’agitation et à la frénésie. Et on peut commencer à travailler tôt le matin en ne finir que tard dans la nuit», explique Peter Sutter, directeur de projet chez QualiGastro. Tout le monde n’est pas fait pour ça.

Quand les jeunes décident d'effectuer un apprentissage de cuisinier, motivés par de chouettes émissions télé, au lieu de réfléchir sérieusement à ce métier, ils reviennent très vite à la dure réalité, et ce, dès les premiers jours de leur apprentissage. Car il ne s’agit pas d’un jeu. Parmi les autres raisons qui explique le taux élevé d’interruptions ou d’annulations des contrats d’apprentissage, on trouve des employeurs qui ne s’occupent pas assez des intérêts et des motivations des adolescents, qui ne vérifient pas leur résultats scolaires. Parce que ça n’allait pas. Parce que la sélection n’était pas assez rigoureuse.

«Un tel traitement ne fait pas partie du métier de cuisinier»

Peter Sutter comprend très bien que des jeunes comme Jonas soient surpris, voire dépassés par la frénésie et le ton pas tout à fait habituel qui règnent dans une cuisine. «Mais, je ne suis pas d’accord avec le fait de dire que le traitement qu’a subi Jonas fait partie de la vie normale d’un apprenti cuisinier», poursuit Sutter. Il faut dire que les formateurs que le responsable du projet QualiGastro a rencontrés jusqu’ici faisaient tout pour que les jeunes apprennent à aimer leur futur métier, au lieu de les frustrer. QualiGastro apporte son aide dans les cas comme celui de Jonas: «Les apprentis, qui ne se sentent pas bien dans leur structure, peuvent s’adresser au service de conseil des apprentissages, contacter QualiGastro directement, ou alors déposer leur demande dans la boîte à requêtes», ajoute Sutter. Les adolescents doivent accepter l’aide qui leur est proposée, au lieu de se renfermer sur eux-mêmes et de prendre les insultes au premier degré.